« Mes chers collègues,
Depuis notre dernière séance, le conseil
municipal a été de nouveau éprouvé par une perte bien sensible.
Notre collègue et ami Pierre Coste a
succombé à la longue maladie qui le minait depuis bien des mois et que rien n'a
pu finalement maîtriser.
Suivant la tradition, le conseil a assisté
en corps à ses obsèques. Le défunt avait formellement manifesté sa volonté
qu'aucun discours ne fut prononcé sur sa tombe : il a voulu partir dans le silence
du grand apaisement. Je n'ai donc pas pu rendre publiquement hommage à sa
mémoire au jour de sa séparation.
Ce soir, je tiens à dire, en votre nom, un
dernier adieu à celui qui pendant cinq ans travailla avec nous dans toute la
mesure où ses forces déclinantes le lui permettaient, avec un dévouement
discret et un désir de bien faire que nous n'oublierons pas.
Pierre Coste était né à Montluçon en 1897.
Il était tout jeune encore et venait de terminer ses études quand éclata la
grande guerre. Il voulut servir et partit comme engagé volontaire, dans
l'artillerie. Blessé en 1917, et, cité, il revint avec la croix de guerre et
entra alors dans l'administration des contributions directes. Les hasards de la
carrière le conduisirent dans la Mayenne où son mariage avec Melle Pacory,
fille de l'un de nos anciens collègues, le fixa. Il occupa différents postes
dans notre département, notamment à Château-Gontier, Mayenne et Laval, et il
était à la veille d'y prendre sa retraite comme Inspecteur principal quand la
mort est venue à lui.
Nous savons la particulière estime dont il
jouissait dans son administration en raison de sa compétence confirmée et de sa
haute conscience professionnelle. Il est juste de rappeler aussi le tact et
l'équité qu'il apporta dans l'exercice de ses fonctions délicates. Strict
serviteur de la loi, il savait pourtant accueillir avec beaucoup de
compréhension et de patience sa clientèle de contribuables souvent désorientée
; il savait écouter sans brusquerie, renseigner et conseiller utilement. La
foule qui se pressait à sa sépulture et où étaient représentées toutes les
classes de la Société témoignait éloquemment de la reconnaissance de ceux qu'il
avait obligés.
Dans la vie courante, Coste s'était
également créé de chaudes amitiés. Il fut un vrai sportif, créateur et
directeur de la section de boxe du Stade Lavallois, aimant les jeunes à qui il
réservait le meilleur de ses loisirs. Bien qu'il se montrât parfois un peu vif
et ombrageux, il s'était concilié les sympathies par son complet dévouement.
Mobilisé pendant quelques semaines en 1939
au début de la dernière guerre, il fut très vite réclamé par son administration
et rentra à Laval. Après l'invasion, dont il souffrit en vrai patriote, il fut
des premiers chez nous à entrer dans la Résistance.
Nul de vous n'ignore le rôle qu'il y joua,
au premier plan, et comment après avoir été arrêté une première fois par la
Gestapo et relâché, il fut à nouveau emprisonné et dirigé sur les camps
d'internement en Allemagne.
Après l'écrasement du nazisme, Coste,
libéré, nous revint. Il avait terriblement souffert des privations endurées,
des sévices subis et des angoisses morales auxquelles son caractère un peu
inquiet le rendait particulièrement sensible.
On avait pu espérer que l'air du pays, le
repos et les tendres soins qui l'entouraient lui permettraient de se reprendre.
Mais il était touché dans ses œuvres vives, et il est mort, victime disons-le
de ses intentions généreuses qui l'avaient conduit à tenter une grande aventure
pour laquelle il n'était peut-être pas taillé, mais qu'il aborda avec toute la
flamme d'un bon Français, d'un ancien combattant, et ses convictions d'ardent
républicain.
Pierre Coste était titulaire de la médaille
de la Résistance et chevalier de la Légion d'Honneur.
A sa veuve, à sa belle-mère Mme Pacory,
j'offre au nom du conseil municipal l'assurance de nos condoléances bien émues
du souvenir fidèle que nous garderons de leur cher défunt."
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