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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 

Les déportés de Vicq


morts en déportation à Auschwitz

Plaque dévoilée le 8 mai 2010 en présence de membres des familles  des disparus en déportation.

       

Suite à l’invasion de la Belgique par les Allemands le 10 mai 1940 le village de Vicq qui comptait 600 habitants selon le recensement de 1936 voit sa population augmenter brusquement d’un quart. En effet selon le curé DUGAY dans son bulletin paroissial de mai 1940 ce ne sont pas moins de 150 personnes venues de Belgique qui affluent vers Vicq. Toutes les bonnes volontés sont sollicitées pour loger ces personnes, le plus souvent à titre provisoire. En effet bon nombre d’entre eux vont repartir dans les mois qui suivent.

Le curé DUGAY signale à ses paroissiens l’arrivée d’un fort contingent de réfugiés sur la commune de Vicq. S’exprimant en bon pasteur il souligne l’accueil des Vicquois, il rappelle les angoisses de ces réfugiés et il fait abstraction de toute confession religieuse.

                                                    

Bulletin paroissial de Vicq juin 1940

 

       "L’actualité du jour, ce sont environ 150 réfugiés  qui nous sont venus de Belgique, qu’on installe ou qui s’installent à la bonne fortune.Il ne faut pas chercher les villas à Vicq, il n’y a pas de maisons à plusieurs étages, de garnis ni de meublés. C’est la campagne, chaque paysan a sa maison construite et disposée selon ses besoins personnels, ses commodités, qui sont réduits et simples. Il y a peu de place libre chez lui, mais nous avons un certain nombre de veilles maisons inhabitées depuis plus ou moins de temps qu’on rouvrira. On est bien content parfois de retrouver un vieil habit quand on été drossé et trempé par l’orage. La plupart de ces maisons sont démeublées, mais on tachera de trouver l’indispensable, un lit, une table, des chaises. La question du chauffage ne se pose pas, c’est l’été. Le logement ne suffit pas,il faut compter aussi avec le ravitaillement. Sous ce rapport nous dépendons d’Ebreuil pour le pain, la viande et autres choses et nous sommes soumis aux restrictions comme ailleurs. Les femmes réfugiées se ravitaillerons elles-mêmes, les Halles de Paris ne sont pas à Ebreuil, mais il y a des marchés. Elles comprendront que les femmes de Vicq n’ont pas le loisir d’être leurs cuisinières ou servantes, mais ont assez de travail pour tenir leur maison, remplacer les hommes mobilisés, à la vigne, à la fenaison et à la moisson, si nous voulons encore manger du bon pain comme nous l’avons fait jusqu’à présent. J’ai vu circuler un certain nombre d’hommes qui ne cherchaient pas le bistro ni le café du coin ni le cinéma, choses inconnues chez nous oùles hommes vont au travail du matin au soir. Les réfugiés sont sortis de la tourmente,mais qu’ils n’oublient pas que les familles de Vicq sont dans l’inquiétude pour les leurs qui y sont restés, en Belgique ou ailleurs".

 

Les familles ROSENBLUTH, DOLLMANN,ROSENBAUM et ROSENBLITH


       Officiellement va rester à Vicq une famille sur trois générations.Voir l'arbre généalogique à la fin du dossier.

David ROSENBLUTH 70 ans et son épouse Cirel 71 ans

Leur fille Scheindel 47 ans, son mari Salomon 48 ans et leurs enfants Wilhelm (Willy)  19 ans et Frieda 18 ans

Leur fille Sara 36 ans, son mari Herz DOLLMANN 36 ans et leurs enfants Régine 9 ans et Suzanne 7 ans

Leur fille Chume 29 ans, son mari David ROSENBAUM 34 ans et leurs enfants Herbert 4 ans et Manfred (Fred) 3 ans

Leur neveu Berl 38 ans, son épouse Machla 35 ans et leur fille Louiza 9 ans. Machla attend un enfant. 

      La plupart d’entre eux ont fui  leur pays d’origine, la Pologne, dans les années 1920 pour échapper aux persécutions antisémites et se sont installés à Anvers en Belgique.

       Quand les Allemands ont envahi la  Belgique le 10 mai 1940 toute la famille, c’est-à-dire 17 personnes, décide de fuir ce pays et sont évacués en wagons à charbon à ciel ouvert. Les voies de chemin de fer étant constamment bombardées, ils mirent  7 jours pour arriver à la gare de Saint-Bonnet-de-Rochefort (03).         

      Selon le témoignage d’Hubert Gaud c’est la mairie qui se chargea de les transférer à Vicq en réquisitionnant deux ou trois camions.  Ils furent répartis dans plusieurs familles : Salomon ROSENBLUTH et sa famille chez les GAUD.



Le camp de Vallon-en-Sully (03)

        A peine ont-ils le temps de s’installer qu’ils sont arrêtés le 6 juin 1940 pour être transférés en car au camp de  Frémont à Vallon-en-Sully (Allier). La raison ne leur en sera jamais communiquée, mais il apparaît que la France avait peur que parmi tous ces réfugiés belges se soient glissés des agents allemands de la Cinquième Colonne. Le chef du camp est un militaire, le lieutenant de réserve NOBLET qui a sous ses ordres un détachement de troupe. Plus de 480 personnes y sont détenues.

Source du document ci-contre:  Archives Départementales de l’Allier M 662c.

      

Tous les membres de la famille vont  y être internés à l’exception de David et Cirel ROSENBLUTH qui sont sans doute trop âgés pour être considérés comme des espions. Ne sera pas interné non plus David ROSENBAUM qui est reparti en Belgique peu de temps après son arrivée à Vicq. Par contre Machla ROSENBLITH qui était enceinte de presque sept mois a dû subir ce séjour plus qu’inconfortable.   Selon Chume ROSENBAUM les conditions de vie y étaient lamentables. «On nous servait la nourriture uniquement dans des boîtes rouillées et les enfants attrapèrent la diarrhée. On nous mit dans  des box à chevaux, conçus pour un seul cheval, et nous étions 10 personnes par box à dormir sur la paille ».



Tout le groupe- 14 personnes dont 5 enfants et une femme enceinte-  va être libéré le 6 août 1940 au bout de deux mois d’internement après décision de la commission et après avoir signé une déclaration selon laquelle ils n’ont « aucune réclamation à formuler ».

Louiza se souvient de cette arrestation. « Un jour ils sont venus nous chercher en car et nous ont emmenés au camp de Frémont. Nous nous souvenons que l’endroit était entouré de fils de fer barbelés et c’était surpeuplé. Les hommes et les femmes étaient séparés.

Source du document ci-contre:  Archives Départementales de l’Allier M 662c.

 

 


Je me souviens d’avoir dormi par terre avec beaucoup de femmes et d’enfants. Nous n’avons jamais compris pourquoi et un jour ils ont ouvert les portes et nous ont dit que nous étions libres de partir et donc nous sommes retournés à Vicq. »

 

Retour à Vicq

        La vie va reprendre ses droits à Vicq.

        Chume et ses deux enfants, Herbert et Manfred, et ses parents David et Cirel vont habiter à Ladoux dans une maison inoccupée à côté de chez Roger GIRAUDET et sa mère. Chume va travailler dans les champs et aussi recevoir un peu d’argent de la Communauté Juive de Vichy.

        Quant à Machla elle va donner naissance à Béatrice le 15 août 1940 à l’hôpital d’Ebreuil (03).

             
Les enfants vont être scolarisés à Vicq. Louiza se souvient d’avoir dû faire des dessins pour le Maréchal Pétain.

                                           Ecole de Vicq. Source : Lucy Carson 1985

Au printemps 1941  Herz DOLLMANN fait des démarches auprès de la HICEM, association  juive basée à Marseille qui organise l'émigration aux Etats Unis entre autres. Les démarches n'aboutiront pas soit parce que la HICEM demande le transfert d'Anvers (Belgique)  du dossier de la famille DOLLMANN,  soit parce que Herz est envoyé dans un camp de Travailleurs Etrangers.


Source du document ci-contre: Mémorial de la Shoah/CDJC. Coll.Communauté Israélite de Vichy CMLV 19.


Arrestation de quatre hommes

      Le 18 juin 1941, 4 hommes sont arrêtés et transférés au 665ème Groupe de Travailleurs Etrangers de Soudeilles (Corrèze).

Il s’agit de Salomon ROSENBLUTH et son fils Willy, Herz DOLLMANN et Berl ROSENBLITH.

Berl Rosenblith Salomon Rosenbluth Wilhelm Rosenbluth Herz Dollmann

Berl Rosenblith

Salomon Rosenbluth

Wilhelm Rosenbluth

Herz Dollmann


          Selon Mouny et Paul ESTRADE dans Un camp de Juifs oublié Soudeilles(1941-1942), Herz DOLLMANN est employé au PC de Soudeilles, Berl ROSENBLITH dans l’agriculture en particulier à Floressas au lieudit Viers chez une demoiselle Brugalières, Salomon comme cuisinier au PC de Soudeilles et Willy comme ouvrier agricole.

 

Le recensement des Juifs de 1941

     Le 2 juin 1941 le gouvernement de Pétain publie un Second Statut des Juifs restreignant encore plus sévèrement l’exercice de professions assorti d’une obligation de se faire recenser en Zone Libre.


Source des documents ci-dessus: Archives Départementales de l'Allier 756 W 1.


On voit que les hommes sauf David ROSENBLUTH sont absents sur le registre, donc les femmes sont allées faire leur déclaration à la mairie de Vicq après le 18 juin1941.En effet selon la loi  ce sont les Juifs qui doivent faire la démarche pour aller se faire inscrire en mairie. Une fois la liste établie par la mairie celle-ci  est en effet  transmise au préfet par le maire de Vicq dans sa lettre à  en-tête de la République Française du 11 juillet 1941. La lettre se termine ainsi : « Tous ces réfugiés ont déjà été signalés à maintes reprises avec leur qualité de juifs au service de réfugiés à La Madeleine (Moulins) ainsi qu’à l’office départemental de placement de Montluçon ». Pas de formule de politesse, tampon de la mairie, signature du maire.

 

Les femmes et les enfants à Vicq

       Après le départ des hommes pour le camp de Soudeilles, Scheindel et Frieda, Sara, Régine et Suzanne ainsi que Machla et ses deux filles Louiza et Béatrice vont aller s’installer à l’extérieur du village au lieu-dit La Gare, qui est une ancienne gare désaffectée.

          

Dans la photo ci-dessus prise par Lucy Carson en 1985 on voit que la Gare est un lieudit isolé au milieu des champs. Les femmes  cultivent un lopin de terre où elles font pousser des légumes. Selon le témoignage de Louiza les fermiers aux alentours étaient généreux et leurs apportaient de la nourriture. Mais surtout ils ne les ont jamais dénoncés et Louiza éprouve à leur égard un immense sentiment de reconnaissance.

 

Août 1942 : arrestation et déportation des hommes

         Ces Groupes de Travailleurs Etrangers où les hommes travaillaient pour des salaires de misère, étaient aussi des pièges, car ils ont servi de réservoirs où a puisé l’Etat Français pour les livrer  aux nazis en août 1942. Ainsi sur les quelques 500 travailleurs étrangers juifs qui ont séjourné à Soudeilles en 1941 et 1942 plus de 150 d’entre eux sont morts dans les camps d’extermination.


Note de l’AFMD de l’Allier : Accords Oberg-Bousquet  : Pour affirmer la souveraineté de l’Etat Français le Gouvernement de Pétain n’a rien trouvé de mieux que de proposer aux nazis d’arrêter eux-mêmes, grâce à la police et à la gendarmerie françaises, les Juifs étrangers ou supposés tels.C’est ainsi que sont réalisées la Rafle du Vel’d’Hiv’ des 16 et 17 juillet 1942 en Zone Occupée et la Rafle  du 26 août 1942 dans les 40 départements de  la Zone Libre.


   Salomon ROSENBLUTH et son fils Willy sont « ramassés »  - c’est le terme employé par la police- le 18 août 1942 et conduits sous escorte de la gendarmerie au 101ème  GTE disciplinaire d’Auchères. Ils sont transférés à Drancy le 23 août et déportés à Auschwitz le 28 août 1942 par le convoi N° 25.

Document ci-dessus: Extrait de la liste du convoi N° 25. Source: Centre de Documentation Juive Contemporaine.

Herz DOLLMANN et Berl ROSENBLITH sont eux transférés le 27 août  au camp d’internement de Nexon d’où ils partent pour Drancy. Ils sont déportés à Auschwitz  le  31 août 1942 par le convoi N° 26.

 

     Sur les 4 seul Willy est rentré. Sélectionné pour le travail à Kosel il est affecté aux camps de travaux forcés pour Juifs de Sakrau et Trzebinia. Il est ensuite transféré à Auschwitz, puis de novembre 1943 à juillet 1944 au camp de Varsovie  où les déportés déblaient les décombres du Ghetto à la recherche de briques et de métaux précieux. En juillet 1944 ils partent d’abord à pied, puis en train et arrivent à Dachau où il est immatriculé N°90022. Il est transféré dans un premier kommando, Karlsfeld, et en octobre à Allach où il sera libéré le 30 avril 1945 après 2 ans et 8 mois de déportation. Il est rapatrié le 1er juin 1945.


David ROSENBAUM

David Rosenbaum

 Quant à David ROSENBAUM  alors qu’il revient d’Anvers où il était retourné sans doute pour chercher de l’argent il est arrêté à la Ligne de Démarcation à Saint-Bonnet-de-Joux (Saône-et-Loire) et interné sans doute dans la région lyonnaise. En effet il fait partie des 1200 Juifs de Lyon arrêtés dans la nuit du 26 août 1942 et emmenés au camp de Vénissieux-Saint-Fons. Il est transféré à Drancy d’où il part le 2 septembre 1942 à Auschwitz par le  convoi N° 27.

Sans nouvelles de son mari Chume ROSENBAUM fait une demande d'aide financière auprès du C.A.R. (Comité d'Assistance aux Réfugiés).

Source du document ci-contre: Mémorial de la Shoah/CDJC. Coll. Communauté Israélite de Vichy CMLV 17.
Son nom figure sur la liste du convoi N° 27. 

Source du document ci-contre: Mémorial de la Shoah C27_29.


Avis d’expulsion

       Suite à des plaintes exprimées  à propos du manque de logements dans le département de l’Allier, le Gouvernement de Pétain décide d’expulser du département   les étrangers qui sont venus y résider depuis 1938. Cela concerne donc tous ceux qui se sont réfugiés dans l’Allier en particulier en 1940.

        Début septembre les femmes qui résident à Vicq reçoivent une notification d’expulsion de l’Allier.

notification d'expulsion

Source : Archives Départementales de l’Allier 996 W 254.01


         Des exemptions sont prévues en particulier dans le milieu agricole. En effet la main d’œuvre agricole fait défaut.

Chume

Seule Chume qui est ouvrière agricole fait le 14 septembre 1942 une demande de sursis au départ de l’Allier avec à l’appui deux certificats, un signé de Jean BAYLE dont un membre de la famille est prisonnier de guerre et l’autre de Vénérand PÉGAND dont le fils est lui aussi prisonnier de guerre. Dans l’attente de la réponse elle préfère partir à Lyon avec ses sœurs Scheindel et Sarah et sa nièce Frieda. Elle va tenter d’y trouver du travail au cas où sa demande serait rejetée.

        Suite à des problèmes en cascade elle va revenir se cacher à Vicq  jusqu’au jour où elle apprendra que sa demande a été acceptée et  elle sortira de la clandestinité en mars 1943 et reprendra avec elle ses enfants, Herbert et  Manfred, en novembre de cette année-là.


Les enfants à Broût-Vernet

      Avant de quitter le département  Sarah, Chume et Machla décident d’envoyer leurs enfants à Broût-Vernet, car, selon Louiza,  elles pensent qu’ « ils ont plus de chance de survivre sans leurs parents parce que nous parlions déjà français et que nous n’avions pas besoin de passeports ».

 


Fin août début septembre 1942  Régine et Suzanne DOLLMANN, Herbert et Fred ROSENBAUM et Louiza ROSENBLITH vont être emmenés à Broût-Vernet en pleine nuit sous la conduite d’un éclaireur israélite.


Château des Morelles

Cette Maison d’Enfants est gérée par l’OSE (Œuvre de Secours aux Enfants) qui est la 3ème Direction de l’UGIF (Union Générale des Israélites de France). Cette maison dite « de stricte observance » religieuse est dirigée de manière autoritaire par Adrien ZÉLIKOWSKI. Il est assisté d’un économe, Joseph COGAN, et de plusieurs éducateurs et enseignants. Environ 340 enfants vont  faire des séjours plus ou moins longs entre 1940 et 1944 à la « Colonie », comme l’appelaient les habitants de Broût-Vernet. Les enfants y sont réfugiés, mais non cachés. Ils font l’objet de recensements fréquents  -ainsi que le personnel- à la demande des autorités françaises ou allemandes. De plus ils doivent être inscrits pour avoir une carte d’alimentation, une carte de vêtements, pour être vaccinés, pour être scolarisés.

 

Ainsi on sait que Régine (N°37), Suzy (N° 38), Louiza (N°47) et  Herbert (N°907) figurent sur les registres de l’école primaire de Broût-Vernet où ils entrent le 1er octobre 1942.


Source : Registre de l’école primaire de filles de Broût-Vernet


Machla ROSENBLITH


Machla Roenblith

     Expulsée de l’Allier, Machla va partir le 22 septembre avec sa fille Béatrice, alors âgée de deux ans, et ses beaux-parents David et Cirel. Elle a l’intention d’aller s’installer à Floressas  (Corrèze) où travaillait son mari Berl avant qu’il ne soit arrêté.

     Le 24 septembre se rendant à cette destination elle a rendez-vous  à la gare de Limoges avec un membre du personnel de la Pouponnière de Limoges. Elle descend du train et lui remet Béatrice comme convenu.

C’est au moment où elle retourne à son train qu’elle est arrêtée et internée au camp de Nexon (87). Le 29 septembre elle va être transférée au camp de Rivesaltes(66). Elle en repart le 5 octobre pour Drancy d’où elle est déportée à Auschwitz le 4 novembre 1942 par le convoi N° 40.


       Béatrice n’effectue qu’un bref séjour à la Pouponnière rue Varlin à Limoges. En effet devant la menace d’arrestations des petits enfants sous le prétexte fallacieux de « regroupement familial » le directeur, le Docteur Gaston LÉVY, va solliciter l’aide du préfet et l’obtenir. Les enfants sont répartis dans trois villages de l’Indre. Quant à Béatrice elle est d’abord cachée le 15 décembre 1942 par le circuit clandestin Garel dans l’Indre avant d’être placée chez Madame DEPRES,  à Chatillon-sur-Indre (36) jusqu’à la fin de la guerre (Source :OSE-France).


La dispersion en Zone Italienne


Suite à la signature de l’armistice le 22 juin 1940 les Italiens, alors alliés des Allemands, se voient attribués des territoires en bleu sur la carte ci-contre ainsi qu’une Zone d’Occupation délimitée par des tirets bleus. Or les Italiens, bien que fascistes et alliés des nazis, ont toujours refusé de livrer les Juifs, que ce soit aux Allemands ou aux Français. Donc la Zone d’Occupation Italienne constituait un havre de tranquillité pour les Juifs en butte aux persécutions des nazis et de leurs collaborateurs français. Nombreux sont ceux parmi les Juifs qui s’y réfugièrent.

Suite à l’invasion de la Zone Sud par les Allemands en novembre 1942 l’OSE déplaça sa direction de Montpellier(Hérault) à Chambéry (Savoie). De  plus la proximité avec la Suisse était un atout supplémentaire pour ceux qui voulaient y émigrer.


Les enfants

             A la Maison d’Enfants de Broût-Vernet la dispersion va commencer en juillet pour les filles, Régine,Suzanne et Louiza. Elles vont partir pour Aix-les-Bains, puis à la Maison d’Enfants La Chaumière à Saint-Paul-en-Chablais  (Haute-Savoie).

           Mais la situation internationale va de nouveau changer. En effet en septembre 1943 les Italiens signent un armistice séparé avec les Alliés anglo-américains. En représailles les Allemands envahissent l’ex-Zone Italienne et les persécutions antisémites recommencent.

          Les enfants sont évacués de Saint-Paul-en-Chablais. Régine, Suzanne et Louiza vont se retrouver dans un couvent à Grenoble (Isère) Place des Tilleuls.

Louiza raconte : « Une vingtaine d’enfants  y arrivèrent, y compris Régine et Suzanne. On nous donna une fausse identité (nom et lieu de naissance). Je devins Geneviève Rusinold. Au bout de quelques jours tous les enfants sont partis et je fus la seule à rester avec la promesse qu’on viendrait me chercher au bout de deux jours et que je rejoindrais ma sœur. Mais on aurait dit que de nombreux mois s’étaient écoulés avant que quelqu’un vienne. Les sœurs étaient gentilles, mais le couvent ressemblait à une prison pour moi et j’étais certaine que j’avais été oubliée et que je ne partirais jamais. Ce couvent était aussi une école où d’autres enfants vivaient et apprenaient à coudre, ce qui, je présume, était un moyen de subvenir aux besoins du couvent. Le couvent formait un grand ensemble et était entouré d’un haut mur d’enceinte. On entendait les Nazis marcher au pas sur les pavés de la rue à l’extérieur. »

      Régine et Suzanne ont quitté le couvent pour aller à Tullins (Isère).

        Quant à Louiza elle va y rester trois longs mois avant d’aller à La Sône (Isère) où elle séjournera  jusqu’en janvier 1945. Elle en repartira pour retourner à La Chaumière à Saint-Paul-en-Chablais.


Photo : des visages d’enfants souriants à Saint-Paul-en-Chablais. Louiza est marquée d’une croix.

 

Sa sœur Béatrice la rejoindra à Saint-Paul-en-Chablais en 1945 sans doute grâce à l’OSE. Toutes les deux repartiront en octobre 1945 à Anvers où elles habiteront chez leur tante Scheindel. Le 21 août 1947 elles partent toutes les deux du Havre sur le paquebot Marine Flasher    et arrivent le 31 août à New York. Elles vont aller vivre chez leur tante paternelle qui s’est occupée des papiers pour les faire venir.


Les adultes

 

David et son épouse Cirel sont restés à Floressas (Corrèze). Cirel va y décéder  le 23 septembre 1944 selon l’état civil de Floressas et est enterrée dans le cimetière communal.


David sur la tombe de son épouse Cirel à Floressas. Source : Archives de la famille

           Selon Chume elle est décédée d’une crise cardiaque provoquée par le stress et l’inquiétude. Chume témoigne : «  Je lui avais promis que je veillerais à ce  qu’elle soit enterrée dans un cimetière juif et en 1948 avant de partir en Amérique je suis allée en France et je l’ai fait ré inhumer dans le cimetière juif de Toulouse ». Effectivement selon la mairie de Toulouse Cirel ROSENBLUTH a été inhumée le 26 novembre 1948 dans le cimetière de Terre Cabade.

 

Quant à Scheindel ( à gauche), Sarah (au milieu) et Frieda (à droite)

qui ont quitté Vicq en septembre 1942 après avoir reçu leur notification d’expulsion elles se sont dirigées vers Lyon. Elles vont changer de résidence plusieurs fois. Avec l’aide de la Résistance juive elles partent à Chamonix (Haute-Savoie) où elles habitent dans un chalet, puis à Saint-Claude (Jura).


Les deux derniers recensements à Vicq en 1944


           Les autorités françaises -ou ce qu’il en reste- continuent sans doute sous la pression des Allemands de recenser les Juifs en juillet 1944 par un jusqu’auboutisme aveugle. Le Débarquement en Normandie a eu lieu le 6 juin, les armées allemandes reculent de partout, la libération du  département de l’Allier  n’est qu’une question de semaines, mais il est urgent de recenser les Juifs !

Source : Archives Départementales de l’Allier 996 W 121.01

En décembre 1944 le nouveau préfet de l’Allier, Robert FLEURY, un authentique résistant au réseau Gallia, sincèrement désireux de regrouper les familles dispersées, fait parvenir à tous les maires de l’Allier une demande de recensement portant à la fois sur les déportés et sur les Juifs résidant encore dans leur commune.  Le maire de Vicq Monsieur VIVIER fera parvenir au préfet la liste des déportés de  sa commune.

Source : Archives Départementales de l’Allier 996 W 123.                    


Epilogue

         A des dates différentes tous les survivants retourneront à Anvers (Belgique) et émigreront aux Etats-Unis. Beaucoup d’entre eux s’installeront dans la région d’Atlanta (Georgia).

        En 1985 Lucy CARSON née Louiza ROSENBLITH est revenue en France. Elle a refait le parcours de son enfance passée en France : Vicq-Broût-Vernet-Saint-Paul-en-Chablais-Grenoble-La Sône. 

       L’enfance de Louiza, Béatrice, Régine, Suzanne, Herbert et Fred fut parsemée de dangers mortels. Dans  leur volonté démentielle d’exterminer les Juifs  les nazis reçurent l’aide de l’administration  française qui a consciencieusement recensé, fiché, traqué et arrêté des êtres humains, vieillards, femmes, enfants et hommes dont le seul tort étaient d’être juifs. Les enfants juifs de Vicq n’ont survécu que grâce à l’OSE, à des organisations religieuses et laïques, à des familles aussi, en particulier à Vicq. Ils veulent aujourd’hui par leur présence, celle de leurs enfants et petits-enfants témoigner de leur immense reconnaissance.


Le banc de la Mémoire

devant la salle polyvalente de Vicq


Banc offert en gratitude aux habitants de Vicq par les descendants de Herz Dollmann, David Rosenbaum, Salomon Rosenbluth, Berl et Machla Rosenblith.

Votre héroïsme et votre générosité ont assuré la survie des descendants de nos familles durant la Seconde Guerre Mondiale 1939-1945.


8 mai 2010



Carte de la Vigilance


Sources :

- Archives Départementales de l’Allier M 662c, 996 W 122.02, 123.02, 254.01, 1289 W 11.2, 1580 W 7

- Archives Départementales de la Corrèze 147 W 4812,

- Archives Départementales de Haute-Vienne 1260 W 26, 1621 W 3,12

- Archives Départementales du Puy-de-Dôme 277 W 115

- Archives Départementales des Pyrénées-Orientales 1260 W 26

- Archives Départementales du Rhône 829 W 282, 437

- Archives des familles

- Estrade Mouny et Paul Un camp de Juifs oublié Soudeilles 1941-1942 Editions les Monédières Juin 2000

- Etat civil de Floressas

- Mairie de Toulouse

- Mémorial de la Shoah/CDJC. Coll. Communauté Israélite de Vichy CMLV 12,  17,

- Mémorial de la Shoah transmis par Lucy Carson

- Office des Etrangers de Belgique

- OSE-France transmis par Lucy Carson

- SPF Sécurité Sociale Service des Victimes de Guerre de Belgique

- Témoignage de Chume Rosenblith

- Témoignage de Louiza Rosenbluth

 

Remerciements aux Archives Départementales de l’Allier pour les facilités accordées

Remerciements à Monsieur Raymond BONNAL qui a recueilli les témoignages locaux

Remerciements à Madame Lucy CARSON pour tous les documents qu’elle m’a transmis.

Remerciements à Madame Manuela WYLER  qui a bien voulu me transmettre la  liste des passagers partant du Havre (France) le 21 août 1947 et arrivant à New York le 31 août.

Remerciements à tous ceux qui m’ont apporté leur aide.

 

 

Contact : F.Demaegdt

AFMD de l’Allier

Les Virots

03210-Chemilly

Tel et fax : 04 70 44 5146

afmddelallier@orange.fr

 



Arbre généalogique des famillesROSENBLUTH-ROSENBLITH