Témoignage d'Odette SCHWARTZ
ARRESTATION PAR LES ALLEMANDS
de Léopold SCHWARTZ et de Reine SCHWARTZ née LÉVY
le 30 juin 1944 à Lapalisse (Allier)
Comment leurs filles Raymonde et Odette ont échappé à cette rafle
Le 30 juin 1944 Lapalisse a été investie par l'armée allemande, mon père qui était ce jour garde-pont a été contrôlé par les Allemands et arrêté ayant une carte d'identité portant la mention «Juif».
Vers 8 heures du matin notre propriétaire est montée jusqu'à notre logement pour nous dire qu'une rafle avait eu lieu.
Nous étions étonnées que mon père ne soit pas venu nous prévenir, je suis allée vers le pont de la Besbre, une de mes camarades de classe habitant une maison avec vue sur le pont m'appelle pour me dire que mon père avait été arrêté.
Je suis retournée chez nous pour le dire à ma mère, elle a préparé quelques effets pour que je puisse les apporter à mon père!
Ma camarade de classe Yvette Mazzia me voyant revenir me demande où j'allais. Quand je lui ai dit ce que j'allais faire elle m'a dit «Tu es folle. Je vais aller les porter». Elle fut la première à me sauver la vie.
Par un hasard de la vie, 59 ans après ces événements j'ai retrouvé cette camarade qui habitait aux Etats Unis Texas. Je suis allée la voir. Les retrouvailles furent très émouvantes. J'ai su alors qu'elle avait eu des problèmes avec les allemands qui voulaient connaître les liens de parenté avec mon père. C'est le maire d'alors qui est intervenu pour la faire partir rapidement.
Quand je suis rentrée chez nous j'ai déménagé dans l'entresol de la maison où nous habitions les choses qui me paraissaient importantes pendant que ma mère dans sa grande candeur faisait une démarche pour savoir ce dont il s'agissait.
Quand j'avais effectué ce transfert je suis allée chez nos voisins, la famille Charon, rue du 11 novembre.
Lorsque ma mère est revenue j'ai demandé à nos voisins de la faire venir me retrouver. Chez eux après quelques propos elle insistait pour remonter chez nous. J'ai essayé de la dissuader. Pour ma part je refusais de remonter dans notre logement.
A peine elle montait l'escalier qui menait à notre logement que les Allemands arrivaient avec mon père dans la voiture pour l'obliger à montrer où nous habitions.
La nasse allemande se refermait sur elle.
Comme nos voisins craignaient une fouille des maisons voisines pour me trouver, je suis partie sous le nez des Allemands pour aller dans leur maison de jardin qui se trouvait au fond de la petite impasse Place du Marché.
Une personne, je crois Madame Laurent, me voyant passer m'a fait entrer chez elle. Elle savait ce qui s'était passé pour mon père.
Dans l'après-midi notre propriétaire, Madame Rollet-Roche, a récupéré chez nous une fausse carte d'identité pour moi qui était cachée dans notre logement.
Le soir des amis réfugiés d'Alsace-Lorraine, les Daniel, sont venus me chercher; ils m'ont amenée, à travers champs et une ferme, jusqu'à leur maison sans que leurs enfants qui étaient petits ne sachent que j'étais là.
J'y suis restée deux jours, après lesquels les Daniel m'ont amené en bicyclette chez le Maire de Saint-Martin-d'Estreaux.
J'ai passé un jour et une nuit dans cette famille.
Le lendemain de très bonne heure le Maire m'a amené à la gare pour monter dans le train dans lequel était Marie Daniel et qui allait de Lapalisse à l'Arbresle où ma sœur était sous une fausse identité depuis deux ans aide-soignante et secrétaire de la Sœur Supérieure Marie-Alice qui dirigeait l'hôpital.
C'était un moment terrible pour elle que d'apprendre que nos parents étaient pris par les Allemands. Cela a eu beaucoup de répercussion sur sa santé pendant un bon moment.
Ma sœur Raymonde m'a pris sous son aile. Avec Sœur Marie-Alice elles ont trouvé pour moi un pensionnat à Savigny à 5 km de l'Arbresle où des religieuses courageuses et conscientes de ce qui se passait m'ont reçue dans leur pensionnat où je suis restée jusqu'en septembre 1944 après le débarquement des Alliés sur les plages de la Méditerranée.
J'ai vu les premiers soldats libérateurs le 25 août 1944, une immense joie dans notre tristesse.
Nous avions encore l'espoir de revoir nos parents. Qui pouvait imaginer une telle fin en trois mois?
Quinze jours après la libération de Paris nous retournions à Lapalisse, faisions les paquets des choses que nous comptions emporter et partions par le premier camion sans bâche qui allait jusqu'à Paris où nous rejoignions nos oncles et nos tantes qui nous ont accueillies à bras ouverts.
Une chaîne d'au moins 10 personnes m'a permis d'échapper aux Allemands et aux camps d'extermination.
Odette SCHWARTZ Gif-sur-Yvette, le 28 mars 2009
© AFMD de l'Allier
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