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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 
DEPRESLES Marie Lucienne née GOMINON
 
 
Archives de la famille

est née le 15 septembre 1905 au domicile de ses parents au lieudit La Garde à Cressanges (03). Son père François et sa mère Marie née BIDET sont cultivateurs.

Le 24 avril 1923 elle épouse François DEPRESLES à Cressanges et ils ont trois enfants.

La famille est domiciliée au lieudit Les Champs à Meillard (03).
 
Photo: Archives de la famille.
 
Résistante communiste (pseudonyme Jeanne) au Front National pour l'Indépendance de la France elle ravitaille le Maquis Hoche de Meillard (03).

La police allemande qui recherche son fils Jean-Michel, membre des FFI, arrive à son domicile le 21 mars 1944. Elle est frappée sauvagement, mais ne dit rien. N'ayant pas trouvé Jean-Michel les policiers arrêtent Lucienne et sa fille Simone ainsi que deux Marseillais Louis SIRICO et Vincent BUIGUEZ, réfractaires au STO réfugiés chez les DEPRESLES.

Internée à la Mal-Coiffée, prison militaire allemande à Moulins (03), elle est ensuite transférée au Fort de Romainville qui est l'antichambre de la déportation pour les femmes en 1944. Quant à Simone, sa fille âgée de 15 ans et demi, elle est libérée le 4 juin 1944.

Le Fort de Romainville

Ce fort militaire est situé sur la commune des Lilas en Seine-Saint-Denis au nord-est de Paris. Il accueille d'abord des prisonniers de guerre et des otages, dont certains seront fusillés au Mont-Valérien. Puis à partir de 1943 il devient l'antichambre de la déportation avant de servir de prison pour femmes en 1944.

Photographie, prise à la Libération, des casemates où étaient enfermés des détenus. Source: Les oubliés de Romainville un camp allemand en France (1940-1944) par Thomas Fontaine Editions Taillandier mai 2005

 

Lucienne fait partie des 111 femmes déportées le 30 juin 1944 de Paris gare de l'Est à Sarrebruck dans des wagons de voyageurs dans le convoi N° I.235. Ces résistantes pour la plupart sont ensuite transférées au camp de Ravensbrück où elles arrivent le 7 juillet. Lucienne reçoit le matricule N° 44708.

Le KL Ravensbrück est situé près de la ville de Fürstenberg à environ 50 kilomètres au nord de Berlin.
Au total, plus de 120000 déportées d'une vingtaine de nationalités différentes sont passées par le KL Ravensbrück, le grand camp de concentration pour femmes du Reich. De là beaucoup d'entre elles sont transférées vers des camps et des centaines de Kommandos extérieurs disséminés dans toute l'Allemagne.
Les conditions d'existence à Ravensbrück sont tout aussi effroyables que dans les autres KL. De 1939 à 1945, on estime qu'environ 40000 déportées ont trouvé la mort dans ce camp.
Source: Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.

 

Sur les 111 femmes 52 vont rester à Ravensbrück. Sur les 52 femmes qui restent à Ravensbrück 5 sont gazées et 3 vont être libérées avant la date officielle. C'est le cas de Lucienne qui fait partie des 301 femmes libérées le 9 avril 1945 par le Comité International de la Croix-Rouge en échange d'internés civils allemands qui ont été renvoyés par la France le 7 avril et dont le nombre n'est pas connu. Lucienne DEPRESLES a le numéro 132 sur la liste.

 

Source: Comité International de la Croix-Rouge à Genève.

Les 301 femmes sont transférées en camion de Ravensbrück à Kreuzlingen qui se trouve à la frontière germano-suisse. Après l'échange à Kreuzlingen elles partent pour Annemasse en train le 11 juin.

Elle est hospitalisée pendant 15 jours à Aix-les-Bains avant d'être rapatriée par la famille. Elle décède à son domicile aux Champs à Meillard le 15 mai 1945.

"Mort pour la France"

Selon le Service Historique de la Défense (GR 16 P 262344), elle est homologuée comme résistante au titre des F.F.I. (Forces Françaises de l'Intérieur) et des D.I.R. (Déportés et Internés de la Résistance).

La carte de Déporté Résistante N° 2.011.34553 lui est attribuée à titre posthume sur décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du 14 février 1955.

La famille adhère à l'Association des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes de l'Allier.

 

 Source du document à gauche ci-dessus: Archives de l'Association des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes de l'Allier.
Source du document ci-dessus à droite: Direction Interdépartementale des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand.


Son nom figure sur la plaque au cimetière de Meillard et la salle polyvalente de Meillard porte le nom de Lucienne DEPRESLES.

Photos: AFMD de l'Allier

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Témoignage écrit de Madame Janine DUFOUR sur l’arrestation de Lucienne DEPRESLES:

«  Au nom de notre comité ANACR Meillard-Le Montet, et aussi au nom d’une vieille amitié qui nous lie Lucien et moi, j’ai le plaisir de vous accueillir et de vous souhaiter la bienvenue. Pour l’un et l’autre, ce sol a vu nos premiers pas.

Arrivés en 1923, nos grands-parents vivaient du travail de la terre et au fil des années ils voyaient arriver la menace d’une seconde guerre mondiale. A la mobilisation en 1939, deux hommes quittaient leur foyer qu’ils ne retrouvèrent que 5 ans plus tard.

Si l’armistice de juin 1940 fut accueilli avec soulagement, bien vite les villageois devinrent sceptiques et refusèrent la collaboration avec l’Allemagne prônée par Pétain et ses sbires. Puis des informations concernant l’Appel du 18 juin circulèrent et inculquèrent des idées de résistance. La famille Depresles s’engagea dans le combat, celui-ci se concrétisa par l’installation dans les bois en mai 1943 du 1er maquis FTPF de l’Allier qui prit alors le nom de « Camp Hoche ». Plusieurs familles du village apportent une aide alimentaire à ceux qualifiés de « terroristes » par les partisans de la collaboration et de l’armée allemande. En septembre 1943, ils quittent le camp pour continuer le combat en d’autres lieux. En leur mémoire, une stèle érigée en 1954 témoigne de leur sacrifice.

 Ce village a subi la barbarie nazie.

Le 21 mars 1944, dans la matinée, le boulanger effectue sa tournée hebdomadaire et stationne vers ce portail, chaque ménagère va chercher son attribution de pain ; c’est alors que surgissent deux Tractions et un camion de soldats allemands. Certains encerclent le village tandis que d’autres jettent dans la mare le contenu de la voiture du boulanger ; d’autres s’acharnent sur Lucienne Depresles et sa fille Simone qui rejoignent leur maison. Lucienne est frappée au visage au point qu’elle devient méconnaissable, ses bourreaux la font rentrer dans la maison où l’interrogatoire continue tandis que Simone est interrogée à l’extérieur. Ils voulaient savoir où était son frère Jean, qui la veille au soir était sorti en vélo. Simone nie cette sortie bien réelle. Toutes les maisons du village sont fouillées. Ma maman, rentrée avec son pain, n’ayant pas vu l’arrivée des véhicules discutait avec ma grand-mère et deux STO (un qu’elle hébergeait et un copain en visite). La prise était facile ; ma grand-mère est interrogée sur le contenu de la famille tandis que ma mère et les réfractaires sont conduits face au mur de l’écurie des Depresles où les rejoignent Madame Berthomier et son beau-père, puis Lucienne et Simone. Les mains sur la tête, ils restent ainsi environ une heure et demie. Pour moi ce mur est un symbole, d’où notre présence ici même. Le pillage continue dans la maison Depresles : main basse est faite sur l’argent et les bijoux.

Leurs méfaits achevés, Lucienne et Simone sont poussées dans une voiture, les deux STO dans l’autre et direction St Pourçain  au siège de la FeldGendarmerie. Leur transfert à la Mal-Coiffée a lieu dans l’après-midi. C’était le jour anniversaire de Simone : 15 ans. Des membres de la famille et ma maman se relaient pour récupérer le linge sale où quelques nouvelles sont parfois glissées dans les chaussettes, et rapporter le linge propre.

Le 5 juin 1944, Simone libérée a rejoint le pillage à pied après sa descente du car à la Racherie.

 Plus aucune nouvelle de Lucienne, nous saurons en avril 1945 qu’elle fut déportée au camp de Ravensbrück, date à laquelle sa famille est avertie qu’elle est rapatriée à l’hôpital d’Annemasse. Son mari et ses deux fils se rendent à son chevet. Imaginez sa joie de les voir bien vivants, mais pour eux quelle douleur en découvrant son état physique. Une huitaine de jours après, elle est ramenée « Aux Champs ». Soixante et onze ans après, je porte encore en moi la vision que j’ai eue en entrant dans sa chambre. Je revois son visage blafard, émacié, ses yeux profonds, ses cheveux ternes, son corps amaigri, son faible sourire en me reconnaissant, qui laisse apparaître des dents déchaussées. C’est une vision que je ne peux oublier. Je la revois aussi le 8 mai 1945, alors que pourtant sonnaient les cloches annonçant  la capitulation nazie, me demander d’ouvrir la fenêtre de sa chambre pour entendre.

Hélas sa vie fut de courte durée ; elle s’est éteinte le 15 mai 1945. Ma maman a procédé à sa toilette funèbre et a souvent évoqué ses mains pleines de pus  après l’avoir soulevée pour la vêtir".


Le témoignage ci-dessus a été lu par Janine DUFOUR devant la grange « Aux Champs » le 1er avril 2017, jour de la remise de la Légion d’Honneur au fils de Lucienne, Lucien pour son action dans la Résistance. Lucien est homologué comme Résistant par le Service Historique de la Défense (GR 16 P 176 239) au titre des F.F.I. (Forces Françaises de l'intérieur).


Source du document ci-dessus: Quotidien "La Montagne" du 7 avril 2017.

Lucien DEPRESLES décède le 13 février 2022 et est inhumé au cimetière de Meillard le 19 février 2022.



Sources:

- Archives Départementales de l'Allier 1864 W 1,

- Archives Départementales du Puy-de-Dôme 908 W 528

- Archives de l'Association des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes de l'Allier

- Archives de la famille

- Direction Interdépartementale des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand

- Etat civil de Cressanges (03)

- Fallut Robert Hoche 1939-1945 La Résistance du tract à la lutte armée en Allier 2008

- Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation Editions Tirésias 2004

- Rapport du Comité International de la Croix Rouge sur l'évacuation de déportées de Ravensbrück le 9 avril 1945 (transmis par les Archives Fédérales Suisses)

- Service Historique de la Défense GR 16 P 370004, GR 16 P 176 239,


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